Steve Reich : Different Trains
L’histoire dit que Steve Reich a pensé ses déphasages en observant le rythme désynchronisé de deux paires d’essuie-glace lors d’un embouteillage sous la pluie. La singularité du compositeur, qu’on qualifie de minimaliste ou sériel, ne tient pas qu’à ce constat, on s’en doute. Son œuvre, d’une précision redoutable, très exigeante pour ses interprètes, reste néanmoins ouverte à beaucoup d’influences. Elle a fait appel aux plus grands, tels le Kronos Quartet ou Pat Metheny, recourant si nécessaire aux bruits de la ville ou à des voix captées à la volée avant de les transformer en musique. Une aventure de vie !
Date de parution : 1989 (Nonesuch Records)
Ceci est un disque d’amour. On connaissait depuis longtemps la passion foudroyante éprouvée par Christian Vander envers John Coltrane, son « père spirituel » en musique. Délaissant le déferlement de Magma, le batteur se fait ici d’abord chanteur (et pianiste) et offre en partage une musique brûlante, proche parfois de la transe. Plus que jamais l’idée du Cri est présente au fil de compositions dont l’intensité ne se relâche jamais. Le nom du groupe provient du titre de l’ultime album du saxophoniste et prend ici tout son sens. Ce premier volet du chant profond et nocturne d’Offering est une offrande.
Le disque des records absolus, vendu en de phénoménales quantités à travers le monde. Pour ce sixième album solo, Michael Jackson aligne les tubes planétaires avec le concours de Quincy Jones. Il fait une démonstration qui reste inégalée à ce jour. Qu’on soit ou non sensible à son esthétique, il est impossible de ne pas penser que Thriller est l’un des albums phares de la musique pop au XXe siècle. C’est une super production culminant en une série hallucinante de hits. Une machine à rythme saisissante, entrecoupée de quelques ballades, dont « The Girl Is Mine » avec Paul McCartney.
La longue et belle histoire de ce groupe originaire du nord de la France aura pris fin en 2018 avec la disparition de l’un de ses co-fondateurs, Gérard Hourbette, qui en avait pris seul les commandes après le départ de son partenaire Thierry Zaboitzeff. La collaboration de ces deux créateurs, toujours en quête d’expérimentation, apparaît aujourd’hui comme une somme vertigineuse d’œuvres tourmentées et nocturnes, esquissant les contours d’un monde en décomposition signifié par des titres sonnant comme des cris d’alarme. Par-delà l’inspiration tragique, parfois shakespearienne, de cet univers inquiet, demeure une musique épique portée par le souffle de la vie.
La soi-disant nonchalance qu’on attribue par un raccourci non moins paresseux à ce grand compositeur de la musique américaine pourrait laisser penser que J.J. Cale n’aura au bout du compte aligné qu’une quinzaine d’albums jumeaux en une quarantaine d’années. Ce serait oublier son influence majeure sur quelques grands noms de l’histoire du blues et du rock – au premier rang desquels Eric Clapton qui popularisera « After Midhnight » et « Cocaine » – mais surtout faire fi d’un style inimitable frappé du sceau d’un soin maniaque apporté à chacun de ses albums, amoureusement ciselés dans son studio, chez lui en Oklahoma.
Le Petit Prince a dit… beaucoup de choses avec son premier album en forme de réunion au sommet. Le pianiste philosophe a voulu réaliser en effet l’union sacrée au sein des différents univers et musiciens qu’il avait côtoyés jusque-là, entre jazz, rock et impressionnisme : Richard Pinhas et Heldon bien sûr, Magma et Christian Vander (pourtant très avare de ses participations à d’autres aventures que les siennes), Weidorje et Bernard Paganotti. Sans oublier d’autres compagnons de route, à l’instar d’Aldo Romano. La discographie de Patrick Gauthier est suffisamment parcimonieuse pour qu’on goûte le plaisir de ce chapitre toujours aussi enivrant.
Ces musiciens ont tous, à des degrés divers et en des moments distincts, été de l’aventure Magma, sous l’égide de Christian Vander. Quand ils décident d’unir leurs forces pour célébrer une musique qu’on qualifiera hâtivement de jazz rock, le résultat est magistral, à la hauteur d’espérances nées du voyage vers la planète Kobaïa. Tout en muscle et intensité, une puissance sans égale est délivrée par le batteur et la basse de Jannick Top. À leurs côtés, tels des oiseaux enivrés de lumière, les « jeunes » Didier Lockwood (violon) et Benoît Widemann (claviers) s’abandonnent au chant aérien de leur instrument.
Cette longue suite en trois grands mouvements nommés cercles – tensions individuelle, communautaire et universelle – est sans nul doute le « grand œuvre » d’Alan Stivell. Loin de se replier dans une identité trop bretonnante et revendicatrice, l’homme à la harpe évoque la recherche du Tír na nÓg de la mythologie celtique, la Terre de l’éternelle jeunesse. Fruit d’une longue élaboration commencée dès la fin des années 50, cette symphonie, car c’en est bien une, est la fusion parfaite de toutes les influences musicales qui parcourent sa discographie. Musique celtique forcément, mais aussi classique, rock et folk. Un disque profond, somptueux.
Les seventies furent très prolifiques pour Jacques Higelin : cette décennie abrite le cœur d’une discographie haletante qui resplendira à nouveau à compter de la seconde moitié des années 2000. BBH 75, Alertez les bébés !, Irradié, No Man’s Land et pour conclure, débordant de musique bariolée, ces deux disques qui n’en font qu’un (et dont le second avait vu le jour avant le premier). En véritable néo-Trénet électrique et ébouriffé, celui qui fut acteur avant de devenir chanteur nous fait chavirer au gré de ses émotions à la vitesse d’un grand huit aux couleurs du rock. Une embardée tonifiante…